Wisdom for Wellness

Giving Yourself Permission to Grieve with Ophelia Rigault

Sarah & Sam Season 1 Episode 5

This month we spoke with local Kingston grief coach Ophelia Rigault. Ophelia shared with us the different types of grief and how we may not be as familiar with them because we were never taught how to grieve.  Ophelia walks us through how to manage loss, how to support and validate someone who is grieving and the connection between love and grief. 

Bob Kemp Hospice Text and Online Support:

Grief Text Line 289-278-1885 

Online Support: https://kemphospice.org/services/grief-bereavement-support/support-line/

To learn more about Ophelia and her work check out her website: https://www.vopheliarigault.com/index.html

Check out the Ophelia Rigault Show on YourTV Kingston at https://vopheliarigault.com/tv-show.html

Grief Resources:

Laura Thomas Ted Talk: Navigating the World of Grief 

https://tinyurl.com/hajjvnpk

Nora  McInerny: We don’t “move on” from grief we move through it 

https://tinyurl.com/294d3j5k

Megan Devine: How do help a grieving friend

https://tinyurl.com/nrzye68j

Grief and Anxiety excerpt from “It’s Okay that You’re Not Okay” by Megan Devine:

https://tinyurl.com/3sz34jc7

Musical Guest: William Right
Email: william@blackandwhitemusicproductions.org

Listen to more of his music here:

Amazon Music:

https://music.amazon.ca/albums/B08NHLBRLH?ref=dm_sh_93XKV4FKgFXVv7QEKGKokR5ib

Apple Music:

https://music.apple.com/us/album/saturday-night-single/1540442694

William Right's Non-Profit: https://www.blackandwhitemusicproductions.org/

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This podcast is brought to you by the Kingston Military Family Resource Centre’s Mental Health and Wellness Team. To follow along on the podcast journey, follow KingstonMFRC on Facebook. More information about the podcast can be found on kmfrc.com/wellness.                        

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Épisode 5 : Ophelia Rigault

Sam :

La Sagesse pour le bien-être englobe tout ce qui concerne la santé mentale et le bien-être. Je suis travailleur social certifié et coordinateur du programme pour les familles de vétérans.

 

Sarah :

Et je suis Sarah, travailleuse sociale certifiée, et je conseille les membres des familles des militaires. Joignez-vous à nous, alors que nous avons d’importantes conversations avec des partenaires communautaires, afin d’aider nos familles de militaires à acquérir des capacités d’adaptation et de susciter des discussions sur la façon de mieux prendre soin de nous-mêmes et des autres.

 

Sam :

La Sagesse pour le bien-être vous fournira des références utiles, des techniques et de nouvelles perspectives pour que vous puissiez continuer à améliorer votre santé mentale et votre bien-être.

 

Sarah :

Ce balado vous est présenté par l’équipe de santé mentale et de bien-être du Centre de ressources pour les familles militaires de Kingston.

 

Bonjour et bienvenue à un nouvel épisode de la Sagesse pour le bien-être! Ce mois-ci, nous nous entretenons avec une coach, formatrice et conférencière locale spécialisée dans le deuil. Elle s’appelle Ophelia Rigault. Ophelia a une expérience professionnelle et personnelle dans l’accompagnement des personnes vivant un deuil et dans leur cheminement vers la résilience. En plus d’être une praticienne locale, Ophelia a dans le cadre de son poste à la Marche des dix sous travaillé avec d’anciens combattants libérés pour des raisons médicales, et elle comprend le processus de transition pour les membres et leurs familles.

 

Nous reconnaissons qu’au cours de la dernière année, de nombreuses personnes ont vécu un deuil et une perte, et nous espérons que cet épisode vous aidera à mieux comprendre à quoi cela peut ressembler et comment on peut continuer à guérir. Il existe une nouvelle et excellente ressource pour les personnes qui vivent en Ontario et qui cherchent un soutien en cas de deuil. Le Dr Bob Kemp Hospice a lancé le premier service de soutien au deuil par texto et par clavardage en Ontario. Vous pouvez envoyer un texto au (289) 278-1885 ou visiter le site kemphospice.org/support-line. Ce service est disponible sept jours sur sept, de 10 h à 22 h. Ces renseignements figureront également dans la description avec les autres ressources auxquelles vous pouvez accéder pour composer avec le deuil. Nous avons aimé entendre votre point de vue sur le deuil et la perte. Et nous espérons qu’il en est de même pour vous!

 

Sam :

Bonjour Ophelia. Merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous sommes très heureux que vous participiez à notre balado, et nous avons hâte de vous poser quelques questions sur le deuil.



 

Ophelia :

Je suis très heureuse d’être ici. J’espère que cette émission sera instructive, et que les auditeurs qui ressentent un deuil ou une perte tireront profit de la discussion. Merci de m’avoir invitée.

 

Sam :

Bien sûr.

 

Commençons par expliquer en quoi consistent le chagrin et la perte. Comment décririez-vous cela?

 

Ophelia :

Je dirais que c’est à la fois universel et individuel. Nous ressentons tous universellement le chagrin et la perte, même si certains n’en sont pas conscients. On éprouve un sentiment de tristesse ou de colère. La description la plus simple est qu’il s’agit d’une réponse émotionnelle à une perte. Quelque chose se passe dans notre vie et, comme humains, nous réagissons de manière émotionnelle. Ce à quoi ressemble cette réponse et le moment où elle apparaîtra, ça, c’est une autre paire de manches.

 

Sam :

Les sentiments engendrés par le deuil et la perte peuvent-ils être les mêmes selon les contextes et les situations?

 

Ophelia :

Oui, c’est possible. Nous avons tendance à associer le deuil à la perte d’un enfant, d’un mari, d’un conjoint. Nous n’aurions pas tendance à considérer la perte d’un animal de compagnie comme ayant un impact équivalent. Si on n’a pas eu d’animaux de compagnie ou qu’on n’est pas attiré par eux, on ne peut pas comprendre. Par exemple, la mère d’une personne est décédée il y a trois ans, puis son père il y a un an, et ensuite un oncle. Tout au long de ces expériences, cette personne a été réconfortée par son golden retriever. Le chien lui donnait de l’amour quand elle rentrait à la maison, ou peut-être avait-elle un chat qui venait chaque fois qu’elle pleurait. L’amour de l’animal était inconditionnel. Si vous possédez un animal, vous savez que même le plus indifférent des animaux de compagnie est capable de ressentir la tristesse et d’offrir une loyauté pure, sans jugement.

 

Lorsque cet animal meurt, on pleure alors la perte d’un membre de la famille et la perte de confort. Cela peut avoir un impact encore plus important. Il peut également y avoir une certaine honte liée au fait qu’on pleure la perte d’un animal. Les gens qui nous entourent ne comprennent pas et disent des choses comme « procure-toi un nouveau chien ». Est-ce qu’on dirait ça à quelqu’un qui a perdu un enfant? Non, on ne dirait jamais ça. La façon dont les autres réagissent à notre chagrin est une autre partie de l’expérience.

 

Lorsqu’on vit un deuil, il se peut qu’on ne comprenne même pas notre propre expérience; on sait simplement qu’on est triste. Dans mon propre vécu, ma mère me manque et ce sentiment ne m’est pas familier, car elle a toujours été présente dans ma vie. Lorsqu’on ressent du chagrin, on ne comprend pas et notre entourage ne nous aide pas en nous disant « il est temps de passer à autre chose. Cela fait un an, passons à autre chose. »

 

Sarah :

Oui, je saisis très bien ce que vous dites. Le fait de ne pas comprendre notre propre expérience et la confusion qui s’en suit. Cela ajoute un stress et de l’anxiété aux expériences émotionnelles difficiles. Il existe différents types de deuils, et nous n’en sommes pas toujours conscients. Cela peut ajouter à notre incapacité à identifier et à comprendre notre propre vécu. Cela vous semble juste?

 

Ophelia :

Oui, parce que nous ne parlons pas du deuil dans la société, nous ne l’enseignons pas dans les écoles. Ma première expérience du deuil a été d’entendre ma mère me dire que ma grand-mère était décédée quand j’avais 16 ans. C’est l’autre partie du deuil; elle est basée sur notre vécu. Un enfant perd un parent, mais il ne comprend pas; il ne sait même pas ce qu’est la mort. Plus tard, quand il commence à comprendre, cela pourrait faire surface. Par exemple, quand il a 10 ans. Il existe différents types de deuils.

 

Il y a le deuil traditionnel. Par exemple, la perte d’un enfant. Nous la ressentons et nous sommes tristes. Ensuite, il y a le chagrin ambigu. Nous sommes au milieu d’une pandémie mondiale; nous nous sentons tristes, mais nous en ignorons la cause. Le chagrin d’anticipation est le sentiment que quelque chose de mauvais va se produire. Certains d’entre nous pleurent lorsqu’ils se font vacciner, car c’est un sentiment d’espoir après une année d’anticipation de quelque chose de mauvais. C’est particulièrement vrai pour les soignants. On a pris soin d’un conjoint ou d’un enfant pendant un an ou plusieurs années et l’on a anticipé la mort de cette personne.

 

Puis vient la culpabilité, il y a un sentiment de soulagement et on se sent coupable à cause de cela. Depuis plusieurs années, on fait des allers-retours à l’hôpital, on fait des tests, notre proche vit avec une maladie, peut-être est-ce un cancer. Ce n’est pas que cette personne ne nous manque pas, mais le processus, l’agonie qu’elle a vécue ne nous manque pas. On est heureux que cette personne ne souffre plus, mais on se sent tout de même coupable. Cela englobe tellement de choses.

 

Il y a le chagrin continu qui est lié à de nombreux traumatismes. Pour les militaires et leurs familles, le fait de se déplacer ici et là peut constituer une expérience de perte continue. Il ne s’agit pas toujours d’une personne; il peut s’agir de partir après un an ou deux d’enracinement. Cela peut provoquer de la tristesse. On doit trouver un autre emploi, ou notre conjoint doit en trouver un, et nos enfants fréquenteront une nouvelle école. Même si c’est ce qu’on fait en tant que familles de militaires, c’est très complexe. Par exemple, quelqu’un déménage dans une nouvelle région. On est ici depuis deux ans et on déménage à nouveau. On a perdu un parent. Nos enfants vont dans une nouvelle école. Tout cela est aggravé. Nous nous sentons déconnectés de nous-mêmes. Puis notre partenaire est déployé et c’est un autre chagrin. Beaucoup de gens ne le reconnaissent pas, mais il y a aussi un chagrin lié au retour des partenaires. Ils ont été absents pendant un certain temps, et maintenant nous devons nous habituer à leur retour dans notre espace. J’adore être en couple, mais avoir ma propre salle de bain me manque!

 

Le deuil est la perte d’un espace que quelque chose ou quelqu’un avait rempli. Cette personne, ce lieu ou cette chose n’est plus là. Nous regrettons l’espace. Une personne a occupé un espace, et maintenant on ne peut plus l’embrasser de la même façon. Nous déplorons également la perte d’espace. Quand un couple a un bébé, le bébé prend beaucoup de place. Nous aimons être parents, mais nous avons moins d’espace et nous ne pouvons plus sortir ou être spontanés. Ce n’est pas la même portée que la perte d’un être cher, mais c’est un sentiment de tristesse. Je sais que je ne peux plus avoir cette personne, ce lieu ou cette chose, mais mon cœur a toujours ce désir. Le deuil, dans sa forme la plus simple, nous apprend que nous pouvons vivre deux émotions opposées en même temps, et que les deux sont correctes.

 

Sarah :

Peut-on faire le deuil d’une perte d’attentes? La perte de la façon dont on pensait que les choses allaient se passer, la perte d’une routine attendue? Je pense que depuis l’année dernière, les attentes de nombreuses personnes ont été affectées. Nous nous attendions à ce que la première année de notre vingtaine se passe bien, ou la première année dans une nouvelle ville, par exemple. Cela semble bien différent maintenant, et pas comme nous l’aurions espéré. S’agit-il également d’une expérience de deuil et de perte?

Ophelia :

Oui, c’est comme le deuil anticipé. Voici un exemple : nos écoles ouvrent et ferment, et les parents veulent que les enfants retournent à l’école. Nous l’anticipons, et puis ça n’arrive pas, ou ça arrive et maintenant nous sommes inquiets. Le chagrin peut se manifester et se présenter sous de nombreuses formes. Nous avons tous eu des projets. Nous allons à l’université ou suivons un cours en personne. On a hâte et maintenant ça n’aura pas lieu. On avait prévu un voyage de rêve, et maintenant il n’aura pas lieu.

 

Cette année, nous parlons de défis accrus en matière de santé mentale, car un grand nombre de nos mécanismes habituels d’adaptation et d’apaisement ne sont plus là. Nous n’avons pas nos réunions rituelles avec les amis au café. Il ne s’agit pas du café, mais de l’environnement, du magasin local, de la communauté, du sentiment d’appartenance. C’était apaisant pour nous. Cela faisait partie de notre routine, et le deuil bouleverse nos routines et nos façons de gérer nos émotions. C’est comme flotter dans une belle montgolfière au-dessus d’un champ magnifique. Puis quelque chose coupe le ballon et tu t’écrases au sol. C’est un grand chagrin. On ne sait même pas ce qui s’est passé. On encaisse le coup et soudain on s’attend de nous qu’on organise des funérailles et qu’on s’occupe de questions juridiques tout en faisant face au traumatisme de la mort d’un être cher.

 

Les premières étapes du deuil sont le choc et le déni, et nous en avons besoin pour survivre. Avec la pandémie, beaucoup d’entre nous essaient de s’estimer heureux et on met en doute notre chagrin parce qu’on se sent privilégié d’être en bonne santé. Nos cerveaux ne comptent pas les privilèges. Nos cerveaux regrettent le café avec nos amis, ou la partie de hockey régulière que nous jouions avec nos copains le samedi matin. C’était l’occasion de faire quelque chose qu’on aimait, et on ne peut plus le faire.

 

Sam :

Le deuil est tellement plus complexe que ce que nous pensons. On pense juste que c’est être triste; c’est une émotion. C’est beaucoup plus complexe. Le deuil ne prend pas non plus en compte tout ce que le cerveau humain rationalise. En ce sens, c’est aussi beaucoup plus simple, mais aussi très complexe.

 

Ophelia :

Exactement, le deuil est compliqué. C’est complexe, c’est brut, et c’est aussi simple. Si nous considérons les émotions comme des vibrations, le chagrin est une vibration très basse. La tristesse, la lassitude, l’épuisement, c’est à un niveau bas. Le deuil est lui aussi transformateur, que nous le voulions ou non. C’est une émotion transformatrice. C’est un déclencheur dont personne ne veut. Il trouble l’esprit, le corps et l’âme et incite à retrouver un sens, une appartenance et une certaine forme de joie, à l’opposé du chagrin. Je trouve que lorsque les gens découvrent cela, c’est là que la guérison commence vraiment.

 

Sam :

Ophelia, comment pouvons-nous apprendre à vivre le deuil? Vous avez mentionné plus tôt qu’on ne nous apprend pas à vivre le deuil. Personnellement, je suis très mal à l’aise avec la mort. Le chagrin peut être causé par de nombreuses choses, mais on ne nous apprend pas à y faire face. Alors, comment apprenons-nous?

 

Ophelia :

Prenons du recul et parlons du soutien aux personnes endeuillées. Ma propre expérience a été unique, car j’étais déjà active dans les services sociaux et j’étais coach de vie, donc cela m’intéressait. Je voulais en savoir plus sur le deuil et sur ce que je ressentais. Les gens ne sont pas toujours aussi conscients d’eux-mêmes. Lorsque ma mère est décédée, j’étais déjà en pleine transformation, car je faisais le deuil de mon mariage. J’avais fait beaucoup de choses pour surmonter ça, et elle avait été là pour moi. Donc quand ma mère est morte, j’avais cette information. Tout le monde n’a pas cette compréhension, c’est pourquoi je dis aux gens que lorsqu’ils sont avec une personne vivant un deuil, ce n’est pas une expérience, mais bien un processus.

 

Nous devons être solidaires. Les personnes endeuillées ont besoin de soutien. Si nous prenons soin d’une personne vivant un deuil, comment pouvons-nous apprendre à la soutenir? Lorsqu’on se sent triste et qu’on ne comprend pas, on peut regarder ce qui nous entoure. Il peut s’agir d’un système confessionnel, d’un centre de ressources comme le CRFM ou d’un centre de crise. Si on soutient les personnes en deuil, on a simplement à être là pour elles. Quand elles seront prêtes, elles demanderont de l’aide ou accepteront notre offre.

 

Sam :

La connexion est importante. Je pense que souvent, lorsqu’on est en présence de quelqu’un qui vit un deuil, on ne sait pas quoi dire ou faire parce qu’on n’a pas conscience de la perte que la personne vit.

 

Ophelia :

On ne peut pas empêcher quelqu’un d’avoir de la douleur. Comprendre cela est douloureux en soi. Surtout pour les parents, car nous voulons que notre enfant cesse de souffrir, mais on ne peut pas faire disparaître la perte. Notre rôle en est un de soutien, mais accompagner quelqu’un dans la douleur déclenche la nôtre. Nous devons être préparés et conscients de nous-mêmes. Puis-je m’asseoir avec cette personne? Par exemple, quelqu’un a perdu un animal de compagnie et nous avons perdu un animal il y a six mois. Nous ne sommes peut-être pas la bonne de soutien. Si nous choisissons de soutenir, nous devons nous assurer que nous sommes nous-mêmes soutenus.

 

Quand on soutient quelqu’un, il y a des choses courantes que je suggère de ne pas dire. Nous ne devrions jamais dire à la personne vivant un deuil quelque chose qui commence par « Eh bien, au moins… » ou « Oh, tu t’en remettras ». Ces choses peuvent être dites avec de bonnes intentions, mais elles n’aident pas. On ne s’en remet jamais, on s’en sort. La mort d’une personne, ce n’est pas la même chose que d’avoir un rhume ou de ne pas rentrer dans un jean. Utilisez aussi le mot mort; il ne faut pas dire « perdu ». On doit dire la vérité, c’est utile.

 

Un membre de ma famille vient de perdre son enfant, et elle m’a dit que ce que je lui ai dit sur le deuil lui a été très utile. Je lui ai dit que lorsque ma mère est décédée, j’en avais tellement marre d’entendre « elle est dans un meilleur endroit » et « au moins elle a eu de belles années. » Je me souviens avoir pensé : « J’en ai tellement marre. Je me fous de tout ça. Je veux juste que ma mère revienne », mais je ne pouvais pas le dire parce que cela aurait été impoli. Il vaudrait mieux que les gens se taisent, car la personne en deuil ne sait même pas ce qu’elle ressent. Nous avons un enfant, un parent; on ne sait pas ce qu’on ressent quand ils nous quittent, car on n’a jamais vécu cela auparavant. La meilleure chose que je puisse dire aux personnes qui offrent leur soutien, c’est d’écouter. Quand vous ne savez pas quoi dire, dites simplement que vous êtes là pour eux, que vous ne savez pas ce qu’ils traversent, car ça ne vous est jamais arrivé, mais que vous êtes là pour les écouter, assis à leur côté sans dire mot, si c’est de cela qu’ils ont besoin.

 

Sarah :

J’aime le fait que l’on reconnaisse que le sentiment de deuil peut être différent selon les circonstances et les expériences vécues. Il semble que nous pleurions aussi la perte d’une partie de notre propre identité. Un rôle que nous avons joué en tant que parents, fille, ou frère ou sœur par exemple, et que nous n’avons plus.

 

Ophelia :

On ne sait pas non plus quand ça nous frappera. Il y a des célébrations classiques et des rituels familiaux qui nous rassemblent. Une remise de diplôme universitaire, la naissance d’un enfant, un mariage, par exemple. Ces moments de célébration peuvent nous rendre tristes, car la personne avec laquelle nous voulons célébrer n’est plus. C’est aussi un moment unique, car nous ne pouvons plus nous réunir pendant la pandémie. Nous n’organisons pas de célébrations et de funérailles. Se réunir pour faire son deuil est une partie rituelle du deuil. Il se pourrait que nous rencontrions des membres de la famille que nous n’avons pas vue depuis plusieurs années. Se réunir fait partie de la guérison, et cette réalité n’est plus pour beaucoup d’entre nous.

 

Sam :

Il y a un sens de la communauté, l’unité guérit. Plus tôt, vous avez parlé d’être conscient du soutien qui nous entoure. Si nous nous isolons ou n’avons pas accès à du soutien, les émotions peuvent s’amplifier.

 

Ophelia :

C’est un défi si nous ne sommes pas du genre à demander de l’aide, et si nous sommes isolés et tristes. Nous ne nous sentons pas soutenus. Si vous êtes isolé, que quelque chose vous tracasse et que vous êtes à l’écoute, composez un numéro et demandez de l’aide. C’est la clé, nos corps veulent être guéris. C’est intuitivement et instinctivement humain. Lorsque nous buvons de l’eau et que nous commençons à nous étouffer, nous toussons parce que, fondamentalement, nous voulons survivre. Quand on est seul, on peut se sentir isolés ou entourés d’autres personnes; quoiqu’il en soit, on doit demander de l’aide. Prendre le temps, quand on se sent bien, d’écrire les numéros qui nous sont donnés dans un balado, par exemple, et les ranger dans un endroit sûr. Si l’environnement n’est pas sûr, cachez-les dans une chaussure, une couverture ou un portefeuille. Si possible, mettez le numéro dans notre téléphone, mettez-le en numérotation rapide.

 

Les émotions peuvent frapper les gens à des moments inopportuns. Au milieu de la nuit, nous pouvons alors composer le numéro. Il peut même s’agir d’un ami que vous savez pouvoir appeler à ce moment-là. Tout le monde ne peut pas prendre un appel après 22 heures, mais vous avez peut-être un arrangement avec un ami qui se couche tard.

 

J’utilise la métaphore d’une maison qui s’effondre. Quelque chose d’important se produit, quelqu’un meurt, et nous sommes la maison qui tombe et autour de nous il y a l’échafaudage. L’échafaudage, c’est la communauté et elle nous soutient parce que nos fondations sont endommagées et ont besoin d’être réparées. L’échafaudage, c’est le soutien des personnes qui disent la vérité. Jour après jour, ressentez ce que vous avez besoin de ressentir, parlez si vous en avez envie ou ne dites rien si c’est ce qui vous convient. Cela nous permet de nous assumer. Le deuil nous rend impuissants. En tant que soutien, nous devons aider la personne endeuillée à se sentir plus forte. C’est la meilleure chose que nous puissions faire.

 

Sarah :

Nous pouvons valider les expériences. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises façons d’agir ou de se sentir.

 

Ophelia :

Même valider le fait que nous n’avons pas besoin de savoir ce que nous ressentons, c’est offrir du vocabulaire et c’est la meilleure chose que nous puissions faire. Parlez-leur de ce qu’ils ressentent comme nous le ferions avec un enfant, suggérez-leur ce que vous pensez qu’ils peuvent ressentir, afin qu’ils acquiescent ou non, qu’ils disent ou non ce qu’ils ressentent. Puis, laissez les choses ainsi. Le lendemain, le sentiment sera peut-être différent. Par exemple, hier c’était de la colère, aujourd’hui c’est de la honte. Nous nous souvenons d’une époque où nous n’étions pas là pour eux, ils étaient en colère contre nous et nous leur avons crié des insanités. La honte fait partie de ce que j’appelle la hiérarchie du deuil.

En tant que société, nous avons une hiérarchie du chagrin. Une mère peut, par exemple, pleurer un enfant qui a été renversé par un conducteur ivre et, une autre, pleurer un enfant qui a été tué alors qu’elle conduisait en état d’ivresse. La société considère ces mères et ces décès différemment. La mort d’une personne renversée par un conducteur ivre suscite davantage d’empathie, de sympathie et de sollicitude. La mort d’un enfant dont le parent était le conducteur ivre suscite de la honte. Dans une petite communauté, ce dernier pourrait même être attaqué. La personne s’isole; elle peut quitter la communauté parce qu’elle ne peut pas faire le deuil de la perte de son enfant. Les deux cœurs ressentent la même douleur, mais la société hiérarchise le chagrin. Un autre exemple est le décès d’un parent, ou d’une marraine qui nous a élevés. Nous aurons plus de temps libre pour un parent, il n’y a pas de prise en compte de l’identification culturelle de la parenté.

 

Il y a tellement de couches dans le chagrin. Il est important de laisser la personne diriger, mais aussi de savoir que le cerveau est en état de choc. Nous devrons peut-être les guider un peu, pour les aider à identifier leurs émotions.



 

Sarah :

Merci beaucoup d’avoir clarifié ce point. Dans une émission populaire récente intitulée « Wandavision », un personnage vit un deuil important. Cette citation de son mari est devenue virale dans les médias sociaux : « Qu’est-ce que le chagrin, sinon l’amour qui persévère? » Je suis frappé par le fait que les gens se sentent concernés et cherchent des moyens de comprendre le deuil. Que pensez-vous de cet énoncé et de la raison pour laquelle les gens y adhèrent?

 

Ophelia :

Je suis tout à fait d’accord avec cela. La chose la plus profonde que l’on puisse dire à une personne en deuil est qu’elle ne s’en remettra jamais. Comprendre cela rend les gens heureux. Nous sommes en deuil parce que nous aimons, et pour citer la reine Elizabeth : « Le chagrin est le prix à payer pour avoir aimé. » Lorsque j’apprends aux infos que quelqu’un vient de mourir, je suis triste pour cette personne, mais je ne vis pas un deuil car je ne la connais pas. Plus notre engagement envers quelqu’un est profond, qu’il soit bon ou mauvais, plus l’impact sur notre vie est grand, plus la relation est étroite et intime, et plus nous ressentirons du chagrin.

 

L’amour ne meurt jamais sur le plan des émotions. Du point de vue de la santé mentale, nous considérons le deuil de manière très pratique. La méthode Kübler-Ross nous dit qu’il y a un processus en cinq étapes, d’une durée d’un an, et c’est tout. Notre cerveau et notre esprit nous disent que nos réactions émotionnelles ne nous aident pas et nous commençons à supprimer les émotions; nous avons l’impression que quelque chose ne tourne pas rond chez nous. Il y a aussi la question du retour au travail. Nous sommes autorisés à faire notre deuil pendant 30 jours, par exemple, puis nous sommes censés revenir à la normale. Nous reprenons le travail et nous cessons de recevoir des petits plats à la maison. Nos esprits disent : « Je suis censé être normal. » Les gens commencent à nous dire qu’on devrait s’en remettre, parce que ça fait maintenant un an. Le deuil peut être très déclencheur. Il est important de s’accorder un espace pour que cela se produise naturellement, sinon cela peut avoir un effet domino.

 

Sam :

Je pense que c’est quelque chose que nos anciens combattants en voie d’être libérés pour des raisons médicales et leurs familles peuvent vraiment comprendre. Nous avons une idée de ce que devrait être le deuil : c’est perdre une personne. Lorsqu’on change de carrière pour avoir été libéré involontairement des Forces armées, cela entraîne des émotions différentes. On perd, entre autres sentiments, une communauté, un sens identitaire. On ne contrôle pas la situation, et cela peut être un facteur déclenchant.

 

Ophelia :

Je dis aux gens qu’il est important de se pardonner à soi-même et de pardonner aux autres qui sont en deuil. On a ce que j’appelle « le cerveau du deuil », et on ne pense pas de la même façon. Des études montrent que le cerveau change lorsque nous sommes endeuillés. Tout comme le syndrome de stress post-traumatique, le deuil peut déclencher un traumatisme. Le deuil peut être traumatique. On peut faire le deuil d’un handicap. Quelqu’un a eu un accident de voiture il y a dix ans, et maintenant il ne peut plus travailler de la même manière, ou il ne travaillera plus jamais à cause de sa blessure. C’est une souffrance non seulement pour la personne concernée, mais aussi pour la famille qui ne peut plus voir ses proches comme avant.

 

Sarah :

Vous avez mentionné le besoin de se donner la permission de ressentir cela aussi. Comment pouvons-nous commencer ce voyage de tolérance, de permission pour nous-mêmes?

 

Ophelia :

Je dirais aux auditeurs qu’il est possible de répondre au besoin : « Ophélie dit que j’ai le cerveau en deuil. Je ne sais pas. » C’est dit un peu à la blague, mais ne vous engagez pas trop quand vous vous sentez vraiment triste. Lorsqu’on vit un deuil, on peut se sentir bien à 9 heures du matin, mais à 13 heures on pleure. Qu’est-ce qui a provoqué ce changement? Cela peut être quelque chose d’aussi simple qu’une émission de télé préférée, une chanson à la radio ou une photo. Ça fluctue. Trois heures plus tard, on pourra se sentir bien à nouveau, parce que ça fluctue. Il y aura de bons et de mauvais moments, et un jour vous prendrez conscience que les bons moments sont de plus en plus fréquents.

 

J’utilise l’analogie d’un vêtement préféré. On marche et on s’accroche à un clou, et ça a fait un trou. On est en colère, on ne peut pas le jeter, on peut encore l’utiliser. Donc on lisse la déchirure. Ce vêtement me vient de ma grand-mère, ou c’est ma veste de sport au lycée l’année où nous avons gagné le tournoi. On éprouve du chagrin. Le trou est là et il est fin. Il sera toujours fin, mais on l’aplanit doucement avec le temps. C’est le processus de guérison. Il sera toujours fragile, effiloché, et on le lisse avec le temps.

 

Sarah :

C’est un visuel incroyable, merci beaucoup de le partager avec nous.

 

Sam :

Je pense que ces conseils sont très utiles. Lorsque l’on se sent bien, on peut chercher à être proactif, à se soutenir soi-même et à établir un plan de sécurité. Notez les coordonnées des personnes et des organisations qui vous seront utiles lorsque vous en ressentirez le besoin. Notez les moments où vous constatez que vous avez besoin de quelqu’un et prenez des dispositions. Le deuil est une réponse émotionnelle. Il est à la fois identique pour tous et aussi très différent pour chacun. C’est à la fois simple et compliqué. Il y a de l’humilité à reconnaître les bons jours et les mauvais jours ou moments. Avez-vous d’autres suggestions pour les personnes endeuillées que vous aimeriez partager aujourd’hui?

 

Ophelia :

D’après mon expérience, lorsque nous vivons un deuil profond, la communauté et l’appartenance induisent des sentiments très valorisants. Développer une routine qui s’identifie à un objectif plus large et établir des liens positifs avec d’autres personnes qui ont des expériences similaires peut être très bénéfique. Prenons le cas d’une personne dont la langue maternelle est le français et qui trouve un groupe de soutien français. C’est un endroit où elle n’a pas à chercher un mot anglais difficile à rendre en français. Un autre exemple serait un groupe culturel spécifique et le sentiment d’appartenir à ce groupe. S’il m’arrivait de faire une gâterie, les gens comprendraient ce que c’est sans avoir besoin de l’expliquer. Nous nous sentons en sécurité et connectés dans cet espace; nous y avons notre place.

 

Sarah :

À la fin de chaque épisode, nous demandons à nos invités de nous donner une leçon de sagesse pour notre bien-être. Il n’est pas nécessaire que cela soit lié au deuil. Vous avez déjà communiqué beaucoup de votre sagesse avec nous. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez offrir pour améliorer notre bien-être?

 

Ophelia :

Le chagrin est le prix à payer pour l’amour. Le deuil que nous vivons en ce moment est un processus d’apprentissage sur ce qu’il faut faire avec tout l’amour que nous ressentons. Nous apprenons à reformuler et à redéfinir l’amour que nous ressentons encore sous une nouvelle forme, maintenant que cette personne, ce lieu ou cette chose n’est plus là. Le deuil est une question d’amour, c’est apprendre une autre façon d’aimer.

 

Sarah :

C’est extraordinaire, merci beaucoup pour ce moment de sagesse pour notre bien-être et pour tout ce que vous avez partagé avec nous aujourd’hui. Nous vous remercions d’avoir pris le temps d’être avec nous aujourd’hui. Je pense que les connaissances que vous avez offertes vont aider certains de nos auditeurs à se sentir validés et à mieux comprendre leur vécu. Merci.

 

Ophelia :

Ce fut un plaisir.

 

Sam :

Merci d’avoir écouté le balado Sagesse pour le bien-être présenté par le Centre de ressources pour les familles militaires de Kingston.

 

Sarah :

Veuillez prendre quelques minutes pour répondre au sondage situé dans la description de ce balado. Cela nous permet de savoir si vous appréciez nos épisodes. Pour suivre nos aventures, ou pour avoir un aperçu et plus d’informations sur le balado, indiquez un « j’aime » Kingstonmfrc dans Facebook.

 

 

Sam :

Pour écouter le balado en ligne, allez à wisdomforwellness.buzzsprout.com. Nous serons de retour le mois prochain. Entretemps, nous espérons tous devenir un peu plus sages d’ici là!